Sa situation de responsable image dans une grande enseigne de sport “ cochait toutes les cases ” et pourtant, il lui manquait quelque chose. Pour Espace Auto entrepreneur, Elisabeth Gournay raconte son cheminement inspirant vers l’indépendance.
Ça a commencé en 2012. J’étais salarié dans une petite agence de production vidéo et je venais de vivre un licenciement économique. À la suite de ça, j’ai découvert l’auto entrepreneuriat, qui n’existait pas depuis longtemps. J’avais le temps et des perspectives professionnelles plutôt floues ; les démarches me semblaient simples par rapport à la création d’une entreprise comme on l’imagine, alors je me suis lancée. À la base, j’ai une licence entrepreneuriale, j’avais donc toujours l’idée d’être indépendante dans un coin de ma tête et pourquoi pas de créer une entreprise un jour. Même si j’ai souvent été rattrapée par le salariat. Au début, j’ai fait quelques missions, mais je n’ai pas vraiment développé d’activité.
J’avais envie d’être indépendante un jour, mais j’avais un prêt étudiant à rembourser. C’est une sacrée contrainte financière, il fallait donc que je trouve un travail “ stable ”, je n’avais pas le choix.
Quelques années plus tard, j’avais un projet d’achat : on sait tous à quel point c’est difficile d’acheter en auto-entreprise, le salariat m’offrait cette possibilité. Donc j’ai continué sans trop me poser de questions.
J’avais un boulot de rêve sur le papier, ça cochait toutes les cases : responsable image dans une grande entreprise, je voyageais, j’organisais des shooting photos un peu partout, je gérais des projets d’envergure. Mais je me rendais compte, et ce, systématiquement, qu’une fois que la nouveauté s’estompait, je me perdais.
J’ai également des valeurs et des convictions humaines et écologiques fortes que je voulais pouvoir porter dans mes projets pros. J’étais souvent déçue, car malgré ma motivation et mon investissement, on en revenait toujours à des problématiques business basiques et rien n’aboutissait. Par exemple, je portais un projet autour du développement de l’enfant par le sport, je m’étais rapprochée de fondations, ma hiérarchie connaissant mes convictions m'encourageait, j’étais à fond et hyper investie. Tout ça pour finir par écrire des fiches produits. C’étaient de vraies désillusions qui prenaient de plus en plus de place.
Il y avait en plus à cette période beaucoup de changements structurels dans l’entreprise, qui me convenaient de moins en moins. À la même période, j'ai perdu mon père. Ce cumul d’événements a forcément participé à mon cheminement.
Après 7 ans dans la même entreprise, j’ai décidé de prendre un congé sabbatique de 10 mois. Je pensais que ça allait m’aider à me recentrer et à trouver un projet concret à développer à mon retour de voyage, en indépendante. Mais ça n’a pas été le cas. À mon retour, j’ai tranquillement repris mon poste, pensant que le malaise allait passer, mais ça a été beaucoup plus compliqué personnellement. Je commençais lentement à dépérir. Je me suis dit qu’il y avait un problème réel. Et l’idée d’être indépendante me travaillait toujours.
Je me suis d’abord servie des possibilités qu’offrait mon entreprise pour passer un CAP pâtisserie. Ça peut paraître étonnant, mais je nourrissais un projet futur en rapport avec l’alimentation et l’écologie. Étant végétarienne, je réfléchissais à lancer des brunchs veggie en livraison ou à emporter et aussi aider à la végétalisation de carte de restaurant : montrer que le healthy, ça n’est pas chiant ! Un projet qui me trotte toujours dans la tête et que j’aimerais concrétiser un jour.
Ensuite, dès 2018, en parallèle de mon poste, j’ai commencé à faire des missions d’extra en pâtisserie pour une entreprise locale qui se lançait. Et je proposais toujours mes compétences en communication. J’utilisais alors mon statut d’auto-entrepreneur que je n’avais pas beaucoup exploité, mais quand même conservé : j’imagine que ça me permettait d’être prête à sauter le pas, au cas où.
Ce qui m’a amenée, par des rencontres, à gérer une coopérative d’achat direct aux producteurs locaux, la Ruche qui dit Oui, de nouveau en parallèle de mon poste. Pour cette coopérative, je faisais le lien entre producteurs et points de distribution, tout en apportant quelques compétences en communication. Je me suis rendu compte qu’on pouvait faire de la communication au service de projets qui ont du sens, avec un vrai lien humain. Ça a été la première pierre dans ma construction d’indépendante et je commençais à voir le travail autrement. En 2022, j’ai demandé une rupture conventionnelle qui a été acceptée. Voilà comment j’ai commencé à régler le problème et je suis passée complètement auto-entrepreneur !
D’abord la liberté : c’est un vrai accomplissement personnel ! C’est quand même génial de te dire que c’est toi qui décides de tout et de ne plus s’imposer d’être productif sans savoir pourquoi. C’est moi qui définis mon cadre de jeu. Même si avant, j’avais des responsabilités, aujourd’hui, je me sens bien plus responsable.
J’aime aussi travailler avec des gens différents, des entreprises qui m’animent comme Le Souffle du Nord, ou La Compagnie des Tiers Lieux pour lesquelles je me sens bien plus utile. Ça m’apporte la diversité d’activités dont j’avais besoin. Je ne pourrais pas passer mon temps à faire uniquement des tartes aux fraises ou à gérer des shootings : c’est une flexibilité que j’aime beaucoup.
En entreprise, on est quand même enfermé dans une case, ça m’a toujours dérangée. Alors qu’aujourd’hui, ce statut me permet de tester beaucoup de choses et de ne plus m’enfermer. L’auto-entrepreneuriat, c’est parfait pour les profils hybrides.
Non, ce serait faux de dire ça.
Déjà, ma première difficulté, c’est que j’aime et je sais faire beaucoup de choses. C’est à la fois ma plus grande force quand je travaille et ma plus grande faiblesse pour me vendre. C’est un peu ma faute, je me cherche encore, c’est une quête perpétuelle ! Les clients ont aussi parfois du mal à comprendre qu’on n’ait pas un métier bien précis. Et puis quand on me cherche, via n’importe quelle plateforme, il faut finalement remplir des cases : être précis pour qu’on nous trouve, mais pas trop pour ne pas se fermer de portes. Ça peut être perturbant, mais oui : je fais de la gestion de projet, du suivi de production, j’accompagne, j’enseigne, j’ai un œil créa et j’adore écrire ! Enfermer les compétences, c’est certainement une vision très française. Pour moi, l’ouverture est l’évolution logique du monde du travail.
Quand on est indépendant, on doit également penser à tout : sa mutuelle, ses frais pros, sa retraite, etc. Ce qui n’est pas le cas en salariat. Et encore moins quand on fait partie de boîtes qui offrent beaucoup d’avantages.
Parfois, on a aussi l’impression d’être déclassé dans le système parce qu’on n’est plus en CDI. Alors que c’est ridicule : quand j’ai acheté une maison en CDI, je savais très bien que je quittais mon poste 3 mois après !
Évidemment, il faut parler du stress lié à l’argent. Aujourd’hui, je ne vis pas toujours de mes activités, mais finalement, je suis heureuse dans cet inconfort.
J’échange beaucoup avec d’autres indépendants. J’ai créé un petit groupe qui réunit 37 personnes. Au-delà d’étendre un réseau, c’est aussi le moyen de parler ensemble de nos difficultés et de se redonner confiance quand on doute. Il faut reconnaître qu’il y a beaucoup d’entraide entre indépendants, beaucoup plus qu’en entreprise où la concurrence est bien présente.
Mes indemnités de rupture conventionnelle qui complètent parfois mes revenus s’épuisent aussi. J’ai donc rejoint une CAE (Coopérative d’Activité et d’Emploi), qui me permet, via une petite cotisation, de facturer en indépendant tout en bénéficiant de certains avantages de salarié (fiches de paie, mutuelle…). Je ne peux compter que sur moi-même alors ça me sécurise un peu plus.
Même si rien n'est écrit, je vois mon avenir en tant qu’indépendante. J’ai un projet qui me tient à cœur et auquel je crois : créer un collectif fort d’indépendants de tous horizons. Ces regroupements existent déjà en Belgique et dans quelques villes de France, mais pas à Lille, où j’habite, alors qu’il y a énormément de potentiel. L’idée, c'est de proposer, aux indépendants comme aux clients, une alternative au cadre de l’entreprise comme on la connaît. Un collectif où chacun reste indépendant, mais qui offre une visibilité plus forte. Je suis déjà en contact avec la fondatrice et j’adorerais pouvoir construire ce projet. Je sais qu’il y a beaucoup de gens très talentueux qui ont envie de travailler autrement et peut-être, soyons fous, plus justement.
Je dirais que la chance qu’offre ce statut, c’est de pouvoir se tester. Dans mon cas, le fait de pouvoir garder mon CDI tout en cherchant ce que je voulais faire avec quelques missions d'auto -entrepreneuriat à côté a été déterminant dans ma décision.
Aussi, en France, on peut être accompagné financièrement dans cette transition (rupture conventionnelle, France Travail…). Quand c’est possible, c'est une grande aide pour se lancer.
Ensuite, moi qui suis une phobique de l’administratif, je ne pensais pas que c’était aussi simple et accessible. Bon, je n’arrive toujours pas à fusionner 3 adresses différentes sur mes papiers : c’est qu’il y a encore des choses qui m’échappent. Cela mis à part, dans l’ensemble, on s’en sort alors, il ne faut pas hésiter !
le 24/04/2024
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Elisabeth Gournay "Moi qui suis une phobique de l’administratif, je ne pensais pas que c’était aussi simple !"
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