De son ancienne vie de commercial pour des tour-opérateurs, William Massot conserve de nombreux tampons sur son passeport. Aujourd’hui devenu écailler après une reconversion professionnelle totale, c’est plutôt entre Paris et la Bretagne qu’il voyage. Une destination devenue importante pour proposer son produit phare sur son stand parisien : l’huître de Cancale.
C’était une vie complètement différente. J’ai passé 10 ans dans les voyages, en tant que salarié de différents tour-opérateurs.
Ma carrière a commencé en 2001-2002, d’abord en centrale d’appel. Puis je suis devenu commercial. J’ai travaillé pour un gros voyagiste, sur toutes les destinations mondiales. Je voyageais énormément, je rencontrais beaucoup de gens et sinon je gérais mon portefeuille client, sur la région parisienne. C’était un métier passion, j’étais libre et je travaillais de manière autonome.
La naissance de ma première fille en 2013 a tout changé. C’est la principale raison de l’arrêt de cette activité, même si j’en suis ravi aujourd'hui !
J’étais souvent en voyage aux quatre coins du monde. Parfois, je partais une semaine à 10 jours. Et, en plus, j’avais de nombreux salons professionnels les week-ends. Le temps est devenu une priorité, et j’avais besoin de m’en dégager beaucoup plus pour m’occuper de ma fille. Il y a une dizaine d’années maintenant, j’ai donc tout arrêté et je me suis retrouvé au chômage.
Aujourd’hui, je suis auto-entrepreneur et j’ai un corner accolé à La Trinquante, un bar du 18ᵉ arrondissement, dans lequel je vends des huîtres de Cancale. Quand je ne suis pas en Bretagne pour voir l’ostréiculteur avec qui je travaille, je suis en horaires décalés : ma journée commence vers 17h et se termine à 2h du matin. Pendant que je travaille, les clients peuvent déguster mes huîtres en sirotant un verre de vin. Je les conseille, répond à leurs questions, prépare les commandes et, bien sûr, ouvre beaucoup d'huîtres. Et ça fait 7 ans que ça dure !
Quand j’ai arrêté mon activité de VRP, je me suis demandé quelle activité je pouvais faire pour quand même conserver la liberté et l’autonomie que j’avais dans mon ancien métier. C’était important pour moi. Je n’étais, à la base, pas vraiment en quête de changement, mais je voulais voir autre chose.
Je suis assez épicurien et les métiers de bouche m’ont toujours attiré. Il se trouve que j’avais un ami qui faisait les marchés avec des produits de charcuterie. Je me suis dit pourquoi pas et j’ai commencé comme ça. J’allais de foires en marchés, avec mes terrines, mes saucissons, mes jambons, j’ai même vendu du miel. Ça m’a plu de rencontrer les producteurs, les artisans, des gens passionnés et talentueux. Au début, je n’avais pas forcément les huîtres en tête.
Non pas du tout ! J’ai juste utilisé mes compétences en commerce que j’ai appliquées aux marchés. Finalement, je vendais des voyages, aujourd’hui, je vends des huîtres. C’est sur le tas que j’ai appris. La clé, c'est de bien connaître son produit, savoir ce que l’on vend et savoir l’expliquer aux clients. C’est plus pointu qu’on ne le croit.
J’avais aussi fait une étude de marché sérieuse avant de me lancer. Il y a 10 ans, j’ai surfé sur la vague du circuit court. Ça a mis un peu de temps à prendre, il faut se faire sa clientèle, mais après ça a marché.
Aussi, j'ai été bien conseillé sur les fournisseurs et il y a eu des rencontres déterminantes. Les huîtres par exemple, c’est venu d’un ostréiculteur breton avec qui je me suis lié d’amitié et qui m’a pris sous son aile. Aujourd’hui c’est mon fournisseur principal et ma seule activité.
En faisant mon étude de marché, je me suis rendu compte que c’était le meilleur statut pour se lancer et la possibilité de liberté et d’autonomie que je recherchais.
C’était aussi le plus simple. D’une part parce que je pouvais le cumuler avec mes indemnités chômage et d’autre part parce que je ne mettais pas d’argent sur la table pour me lancer, outre ce que j’avais à dépenser pour les produits.
Je suis simplement allé à la Chambre de commerce, j’ai dû payer 50 € de mémoire pour avoir ma carte de marchand ambulant, ça a été assez rapide.
Je trouve ça assez simple. Je suis dans la catégorie “vente de marchandise” et j’ai choisi de déclarer tous les mois. Ça aussi, on peut le modifier assez facilement, c’est pratique.
Par contre, je trouve que l’imposition est très importante. Entre toutes les charges, le CFE (cotisation foncière des entreprises), les impôts, les coûts de fonctionnement… une fois qu’on a payé la marchandise, c’est parfois compliqué de se dégager un salaire correct.
Au début, je n’arrivais pas à en vivre, mais j’avais le chômage, heureusement. Aujourd’hui ça va mieux, mais par rapport au nombre d’heures qu’on travaille, il y a un côté injuste, car nous n’avons aucun des avantages qu’un salarié pourrait avoir. C’est un peu la punition.
La côté paperasse me paraît simple, la grosse difficulté, c'est le côté financier. Et encore, sous Macron, les choses ont évolué en notre faveur, ont été un peu simplifiées et il y a eu l’augmentation du chiffre d'affaires sans avoir à changer de structure.
Malgré ces bémols, je ne regrette pas. Les voyages me manquent un peu parfois, mais c’est comme ça !
Alors, je suis plus présent qu’avant, mais je bosse énormément. L’objectif de se dégager du temps n’est donc pas totalement atteint, même si j’ai quand même bien profité de ma première fille, ce qui était le but au début.
Aujourd’hui, je peux me permettre de déléguer certains week-ends en travaillant avec un autre auto-entrepreneur. Je suis ouvert tous les jours de 18h à 2h du matin, donc en horaires décalés. Il faut être présent, auprès des fournisseurs, comme pour rassurer les gens sur les produits, et ça, ça prend beaucoup de temps. Avoir 2 jours off par semaine, ce serait parfait !
Puis, le gros changement, c'est que 10 ans après ma reconversion, nous avons 3 enfants !! Aujourd’hui ma femme, qui a elle-même fait une reconversion professionnelle, est professeur des écoles, on a des horaires un peu plus flexibles pour la vie de famille. Son statut de fonctionnaire est aussi une sécurité par rapport à l’instabilité de mon métier : on ne sait jamais ce qu’il pourrait arriver ! Donc oui, finalement, on trouve notre équilibre.
J’avais en tête de grossir et de faire évoluer mon statut, mais actuellement, avec trois enfants encore jeunes, c’est compliqué à envisager. Ça implique énormément d’investissement personnel en termes de temps. J’ai toujours cette volonté de garder du temps pour eux. Quand ils seront ados et bien contents de ne plus m’avoir dans les pattes, on en reparlera ! À court terme, j’aimerais déléguer encore un peu. Pour l’instant ce statut m’offre la liberté dont j’ai besoin, mais si on parle d’avenir, c’est plus la question de la retraite qui m’interroge : ça reste encore compliqué pour les auto-entrepreneurs de se projeter jusque-là.
Du courage ! Je dis ça en rigolant, mais il y a un peu de vrai. Il faut faire ces métiers avec passion, avec le cœur, sinon ça ne marche pas.
Je conseillerai de ne pas lâcher son travail comme ça pour se lancer sur un coup de tête, mais de réaliser une étude de marché sérieuse, puis de s’assurer d’avoir une sécurité financière, au moins pour les débuts. C’est important de garder cette sécurité selon moi.
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William Massot - Écailler “La clé, c'est de bien connaître son produit, savoir ce que l’on vend et savoir l’expliquer aux clients”
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