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Témoignages d'auto-entrepreneurs

Cyndia, coiffeuse à domicile “Après 27 ans d’indépendance, je ne pense pas être capable de devenir salariée !”

Publié le 13/08/2024
Cyndia, coiffeuse à domicile “Après 27 ans d’indépendance, je ne pense pas être capable de devenir salariée !”

Quand elle a pensé à se lancer après ses études d’esthétique, des coiffeuses à domicile, il n’y en avait pas beaucoup, voir pas du tout. Depuis près de 30 ans, Cindia entretient les cheveux d’une clientèle fidèle et a connu le pire comme le meilleur d’un statut d’indépendant qui n’a cessé d’évoluer. Après tout ce temps, le salariat ? Très peu pour elle ! Pour Espace Auto-entrepreneur, elle revient sur son vécu d’indépendant et ce que cela lui a appris.

Quel est ton parcours professionnel ?

Je suis coiffeuse à domicile. J’ai commencé à la fin de mes études en alternance dans un salon. Ma patronne n’avait pas les moyens de m’embaucher à temps plein et, juste après mon bac pro, j’ai cherché une place dans un salon. C’était la seule option que je connaissais, mais je n’étais pas très à l’aise avec la démarche et le côté commercial ne me plaisait pas. Puis j’ai découvert que je pouvais être indépendante, donc je me suis lancée.

Comment t’es venue l’idée de t’installer en tant qu’indépendante ?

À l’époque, je ne connaissais même pas le statut, et je ne trouvais pas d’emploi dans un salon. Mes parents étaient boulangers et vendaient aussi leurs pains en porte-à-porte. Un jour, je me suis dit : pourquoi ne pas proposer mes services de coiffeuse directement chez les gens ? Ça n’existait pas du tout autour de moi ! Ça a fonctionné et la seule manière d’exercer comme ça était, à l’époque, de m’installer en entreprise individuelle au régime réel simplifié, ce que j’ai fait dès 1997. Et finalement, je n’ai plus jamais travaillé en salon depuis mon alternance.

Le statut des indépendants a beaucoup évolué depuis 1997, comment cette évolution s’est passée pour toi ? 

C’était beaucoup plus compliqué avant. Déjà, j’avais une obligation comptable, la TVA, et il fallait faire un budget prévisionnel, etc. J’étais accompagnée par mon comptable, mais les charges étaient trop lourdes et finalement, toutes mes aides de l’ACRE (aide à la création et à la reprise d’entreprise) passaient dans sa rémunération et non la mienne. Au bout de 3 ans, je me suis cassé la figure littéralement !

Mon comptable m’a alors proposé une autre solution qui impliquait une obligation comptable, mais plus de TVA. Ça a été beaucoup plus confortable et j’ai pu continuer mon activité.

En 2009, j’ai automatiquement basculé sur le statut d’auto-entrepreneur qui venait d’être créé, puis aujourd’hui en micro-entreprise. 

Quel regard as-tu sur les évolutions du statut que tu as connues ?

Je trouve qu’aujourd’hui tout est beaucoup plus simple, heureusement. Avant, il fallait se rendre à l’Urssaf, au RSI avec une tonne de papiers auxquels on ne comprenait pas grand-chose. Il y avait beaucoup trop d’interlocuteurs, c’était vraiment complexe et ça prenait du temps. 

Maintenant, je gère tout moi-même, je remplie mes déclarations chaque mois et j’envoie mon virement. C’est tout. En vérité, il y a forcément encore des notions qui m’échappent, comme l’impôt libératoire sur le revenu, mais j’avoue que je ne m’y intéresse pas vraiment, car mon fonctionnement me convient parfaitement. 

Face aux difficultés, tu aurais pu souvent te décourager, pourquoi n’as-tu pas tenté de nouveau le salariat ?

Si réellement, j'avais été obligé de devenir salariée, je l’aurais fait. Mais j’ai toujours rebondi et aujourd’hui, après  27 ans d’indépendance, je ne suis pas sûre d’être capable de travailler sous les ordres de quelqu’un. Puis, comme je le disais, en salon, on est obligé d’avoir un côté vente, lié aux produits de beauté des cheveux etc…Et ça, ça ne me plait pas du tout. À la limite, si ça avait dû se produire, j’aurais préféré faire complétement autre chose que de me retrouver dans un salon.

Qu’est-ce qui te plait dans ta façon de travailler ?

La liberté de m’organiser comme je le souhaite. Même si je travaille du matin au soir, comme quelqu’un qui serait salarié, je le fais à ma manière. Puis, la clientèle à domicile est très différente de la clientèle de salon. Moi, je rentre dans l’intimité des gens, j’ai certains clients depuis des années, on boit le café, on discute. Là où dans un salon, certains clients recherchent juste un moment de bien-être sans forcément d’échange. Puis je fonctionne au feeling et je ne me force jamais. C'est-à-dire que s'il y a un client avec qui le courant ne passe pas, je ne recherche pas forcément à entretenir le contact. Dans un salon, on est obligé de coiffer tout le monde. Je ne me force pas, j’apprécie tous mes clients.

Je travaille aussi pour deux hôpitaux et je coiffe des personnes âgées que je conserve comme clients à leur retour à domicile. Dans ces cas-là, je suis attendue comme le Messie et ma visite est très importante pour eux. Ça donne encore plus de sens à mon métier.

Et ce que tu y vois des inconvénients ?

Pas vraiment. Maintenant que je suis bien installée et la gestion du statut ayant évoluée, je suis épanouie et je n’ai de compte à rendre à personne, en tout cas pas à un patron. Pour moi, mon travail, c’est comme une thérapie : tout ce que je fais, je le fais avec envie. Le seul petit inconvénient, et encore, c’est que je n’ai jamais le temps d’aller chez le coiffeur : c’est mon mari qui s’occupe de mes cheveux !

Penses-tu que ta manière de travailler t’as apporté des compétences supplémentaires par rapport à un travail salarié ?

Forcément, ça m’a obligée à être autonome. On se pose quand même moins de questions en salon de coiffure. 

Concernant ma clientèle, j’ai toujours fonctionné par le bouche-à-oreille. J’ai commencé sans les réseaux sociaux et je ne suis pas très à l’aise avec ça, ceci dit, je pense que j’ai naturellement dû développer des compétences en communication : la manière de se présenter, d’expliquer ce qu’on va faire, de travailler, ça joue, c’est certain.

C’est peut-être plus sur l’aspect confidentialité et confiance que j’ai appris. Pour moi, c'est la clé de mon activité. Je rentre dans l’intimité des gens et certains clients me parlent, me racontent beaucoup de choses et il faut impérativement que je garde ça secret, comme une sorte de secret médical adapté à la coiffure. On se rend vite compte que le monde est petit et que tout le monde se connait. On est bien loin du cliché de la coiffeuse commère. D'ailleurs, je ne prends aucun client dans ma rue, car je ne veux pas tout savoir, et je ne coiffe jamais à mon domicile. 

Est-ce que tu aurais quand même une anecdote à nous raconter ?

Oui ! Très récemment, je me suis retrouvée chez une nouvelle cliente qui apparemment avait l’habitude d’être coiffée par quelqu’un d’autre, mais qui souhaitait changer. Je me suis présentée au domicile et me suis retrouvée au cœur d’une scène de jalousie particulière : la fille de ma cliente connaissant bien l’ancien coiffeur de salon s’est disputée avec sa mère, car elle ne voulait pas qu’elle change de coiffeur. Scène de jalousie capillaire que je n’avais jamais vécue ! 

Que conseillerais-tu à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans ce domaine ?

Aujourd’hui, c’est très simple, alors, on n'a rien à perdre. D’ailleurs, depuis la création du statut d’auto-entrepreneur, je vois bien la multiplication des coiffeurs à domicile sur les 3 villes sur lesquelles je travaille. J’étais seule et maintenant, on doit être au moins 5 par villes : c’est qu’il doit y avoir de la demande.

Je conseillerais juste de se lancer avec un peu de trésorerie ou alors des clients en perspective, c’est plus rassurant. C’est prendre un risque à moindre coût aujourd’hui car si ça ne fonctionne pas, on ne perd pas d’argent donc pourquoi ne pas essayer ?

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