À 58 ans, Domingos Marquès-Texeira a une longue carrière de chef cuisinier dans de belles brasseries parisiennes. La suite de sa carrière ne se fera pas en brigade, mais en duo. Avec son compagnon, ils plaquent tout pour lancer “Les 3 anges de Sigean”, leurs chambres et tables d’hôtes, en auto-entreprise. Une nouvelle page de sa vie qui commence il y a un an avec l’établissement qu’ils ouvrent ensemble. Pour Espace Auto-entrepreneur, Domingos nous raconte son cheminement entre craintes, esprit d’équipe et grandes satisfactions.
Juste après mon apprentissage, j’ai travaillé comme chef cuisinier. Ça a duré 42 ans. Durant toute ma carrière, j’ai pu intégrer les cuisines de nombreux restaurants parisiens, dans des endroits prestigieux, comme à côté du Sénat ou place de la Bastille par exemple.
La restauration est un métier fatiguant et dur physiquement, j’arrivais à un âge où j’avais envie de faire quelque chose de plus léger. Ce projet, j’y avais déjà pensé il y a quelques années lors d’une précédente expérience d’auto-entrepreneuriat il y a 15 ans, mais je n’étais pas avec la bonne personne : mon compagnon de l’époque n’était pas d’accord. J’ai mis ça de côté, je suis redevenu salarié puis, quand j’ai rencontré mon compagnon, David, il y a 3 ans, qui avait la même envie en tête, on a décidé de se lancer ensemble dans le projet. Je n’aurais pas osé me lancer seul !
C’était il y a 15 ans et ça a duré 3 ans. J’ai monté un restaurant à Paris avec mon ancien compagnon. Travailler en couple n’était alors pas très évident, on a donc préféré arrêter pour reprendre une activité salariée. Puis finalement, ça n’était pas tout à fait le projet rêvé que j’avais en tête, je cherchais une vie moins stressante. Finalement, j'ai attendu la bonne personne pour retenter l’expérience.
Comme nous sommes aussi tables d’hôtes, j’ai été obligé légalement d’ouvrir un statut de micro-entreprise qui est à mon nom uniquement. Mon conjoint, ancien aide-soignant, est lui en disponibilité.
Concernant le service de chambre d’hôte, l’auto-entreprise n’était pas une obligation, mais était beaucoup plus simple et avantageuse en termes d’impôts.
Choisir ce statut m’a aussi permis de bénéficier de mes droits au chômage et des aides à la création d’entreprise comme l’ACRE et l’ARCE. Des aides non négligeables dans une création d’auto-entreprise de cette ampleur.
Non, on s’est lancé directement et on apprend sur le terrain. Puis notre chance, c'est de savoir exactement ce qu’on voulait faire et comment on voulait le faire. Grâce à son parcours d’aide-soignant, mon compagnon à un vrai sens du relationnel et du contact.
L’hôtellerie, la table d’hôte, les petits déjeuners sont plutôt mon domaine. Nous sommes vraiment très complémentaires et mine de rien, il y a une sorte de continuité de nos carrières respectives.
On s’est juste fait aider par la Chambre de commerce et d'industrie pour la création de l’entreprise. Nous avions beaucoup de travaux à faire, et par commodité, on s’est laissés guider par un agent qui a créé le statut pour nous, ce qui a été très simple. Ça nous a permis de nous concentrer sur notre projet.
Oui pour ma part. J’ai un tempérament plutôt anxieux et je me demandais si ça allait fonctionner, même si nous sommes dans un endroit très touristique, proche de l'Espagne, et à côté de la mer. Finalement, mes craintes ont vite été dissipées, car ça a fonctionné rapidement : nous avons accueilli près de 1200 hôtes en 7 mois. Mon conjoint m’a beaucoup soutenu, étant plus confiant, il savait tout de suite que ça allait marcher.
On a finalement chacun nos rôles. Moi, je m’occupe de tout ce qui est comptabilité et administratif. J’ai un côté maniaque, je gère donc aussi le ménage des chambres et bien sûr, tout ce qui est restauration. Je me lève tôt pour faire les viennoiseries, préparer les petits-déjeuner et je cuisine aussi les repas, mais ça n’est pas tous les soirs, ce serait ingérable tout seul. Mon compagnon, lui, s’occupe de la literie des chambres et de toute la visibilité de l’établissement : sur les réseaux sociaux comme sur les sites de réservation etc. Il s’occupe aussi de l’accueil des clients.
Pour ma part, ça m’a permis de dépasser mon côté introverti. Je me sens plus à l’aise avec les gens, pour engager la conversation, même si c’est plus la partie de mon conjoint. Étant d’origine portugaise, je suis plus impliqué avec les clients qui parlent espagnol ou portugais.
Je me suis aussi perfectionné dans ma cuisine : avant, je travaillais plutôt en brasserie et je n’avais pas forcément le temps de faire ce que je voulais au niveau du dressage ou des choix des recettes. Aujourd’hui, je peux proposer une cuisine plus travaillée qui me correspond plus.
La liberté de nous gérer nous-mêmes, sans hiérarchie à satisfaire. Nous sommes acteurs et responsables, c’est une grande satisfaction. Le fait de travailler et vivre sur place est un grand changement, car avant, j'avais plus de 2h de transport chaque jour pour rejoindre mon travail à Paris, je suis donc beaucoup moins stressé à ce niveau.
Aussi, je pense qu’on apprend beaucoup plus de nos erreurs et qu’on a plus de facilité à se remettre en question. Quand on fait une bêtise, on la répare nous-même et c’est beaucoup plus facile à digérer et à assumer qu’un avertissement donné par un supérieur hiérarchique. On se sent plus légers malgré les responsabilités.
Nous nous sommes lancés il y a moins d’un an et même si c’est une réussite, nous avons dû mettre de côté notre vie privée. Nous avons misé beaucoup de nos économies dans ce projet et pour le moment, nous ne pouvons pas nous dire “ on ferme pour partir en week-end tous les deux”. Je pense que ça viendra, mais pour le moment, nous sommes totalement investis, car tenir une maison d’hôte demande beaucoup de temps.
Pour être honnête, ça n’a pas été simple.
D’une part parce que nous sommes arrivés dans un village de taille moyenne, Sigean, dans lequel il y avait déjà 6 maisons d’hôtes. Le secteur est très concurrentiel et, même si je pense qu’il y a de la place pour tout le monde, ça n’était pas forcément le cas de nos voisins. Nous avons accueilli beaucoup de clients en peu de temps, venant du monde entier grâce au travail sur la visibilité de mon conjoint : je pense que ça a fait naître pas mal de jalousie.
D’autre part, le fait que nous soyons un couple d’hommes a fait naître des inquiétudes. Au début, on nous a regardés un peu de travers, alors que d’autres couples tiennent des maisons d’hôtes “Adults Only”. Il y a même eu une rumeur selon laquelle on allait ouvrir une chambre d’hôte naturiste réservée aux hommes ! Alors que notre but, c’est d’accueillir tout le monde, de créer un endroit chaleureux pour une clientèle variée. Heureusement, le bouche-à-oreille fonctionne bien et nous sommes sortis de ce cliché. Aujourd’hui, les relations sont apaisées, mais on y travaille toujours !
On projette déjà d’ouvrir un second établissement. Je pense que ça a été le projet depuis le début. Se lancer plus “petit” et ouvrir quelque chose de plus grand par la suite. J’imagine plus de prestations, une piscine, un grand terrain et aussi l’embauche de personnel pour pouvoir travailler un peu moins tout en gardant un pied dans l’activité. Cela signifierait également de faire évoluer mon statut et de réfléchir à ce qui serait plus adapté. Je vais bientôt avoir 60 ans et j’aimerais préparer la suite et ralentir doucement.
Je dirais de foncer et de ne pas écouter les gens autour de soi quand on croit en son projet. Nous avons eu tellement de sons de cloches différents. Ça allait de ”Vous vous rendez compte, dans la conjoncture actuelle !” à “ A 58 ans, pourquoi se lancer dans un nouveau projet alors que tu seras bientôt à la retraite !?”. Finalement, ce sont les gens qui ont plus peur et qui nous transmettent leurs craintes. Il faut oser : un peu d’audace !
le 27/12/2023
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le 24/04/2024
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Domingos Marquès-Texeira, propriétaire et gérant de chambres d’hôtes, “On se sent plus légers malgré les responsabilités.”
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