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Témoignages d'auto-entrepreneurs

Éva Kovàcs “J’ai retrouvé ma motivation en changeant la manière de faire mon métier”

Publié le 15/10/2024
Éva Kovàcs “J’ai retrouvé ma motivation en changeant la manière de faire mon métier”

Originaire de Budapest, Eva Kovàcs vient d’une famille d’entrepreneurs. Sa carrière, elle la commencera pourtant salariée en France. Mais, au bout de quelques années, cette architecte pétillante, passionnée et curieuse de tout sent qu’elle perd en motivation. Le problème n’est pas son métier, mais la manière dont elle l’exerce. Qu’à cela ne tienne, l’auto-entreprise sera le moyen de prendre son envol et de montrer qu’on peut faire autrement. Pour Espace Auto-entrepreneur, elle raconte son histoire.

Jusqu’à récemment, tu étais architecte, salariée dans une agence. Pourquoi avoir fait le choix de quitter ton emploi ?

Ça a été un processus long et court à la fois. Je travaillais dans une grosse structure depuis 6-7 ans. Mon travail concernait surtout des projets architecturaux d’envergure, et donc essentiellement pour de gros promoteurs immobiliers. Petit à petit, j’ai trouvé que la façon de travailler, de communiquer et de s’organiser était complètement déshumanisée et régie par le profit. J’avais de plus en plus besoin de rencontrer les personnes pour qui je travaillais, d’avoir plus d'interactions, car ma définition de l’architecture, c’est concevoir la vie humaine. Je perdais en motivation et en goût pour mon travail et je commençais à être frustrée. Aussi, en parallèle, je m’intéresse à la psychologie, à la sociologie et je lis beaucoup à ce sujet, notamment les ouvrages de Fréderic Lenoir qui m’inspirent. Au gré de mes lectures, j’ai découvert la neuro-architecture qui m’a passionnée. J'ai commencé à faire des recherches et j’ai proposé à mon entreprise de faire un doctorat dans ce domaine. Ça ne les a pas intéressés et, à la place, on m’a plutôt proposé de me tourner vers l’intelligence artificielle… Ce qui est encore plus déshumanisant de mon point de vue. Tout cela a maturé dans ma tête et j’ai commencé à me dire que je pouvais créer ma structure et me libérer du temps pour mes recherches. 

 

Tu étais bien installée, ça aurait pu être confortable de rester salariée.

Oui, mais finalement, je ne me retrouvais plus dans ce qu’on me proposait et les perspectives d’évolution ne me faisaient pas rêver. Je voyais certains collègues stressés, dont l’ambition était de monter des échelons pré-établis, parfois pas en bonne santé physique comme mentale et je ne voulais pas suivre ce schéma. J’étais architecte assistante de chef de projet, donc toujours guidée dans mon travail et, même s'il y avait un côté créatif, important pour moi, j’avais besoin de plus de liberté. Tout cela a créé des dissonances en moi et ça m’a fait comprendre que je voulais autre chose.

 

Quel a été le déclencheur finalement ? 

Il y avait donc la frustration et l’envie sous-jacente de créer ma méthode d’architecture et, au moment où je réfléchissais sérieusement à tout cela, j’ai eu l’opportunité de donner des cours à l’université, dans le numérique en architecture. Pour ce faire, il fallait créer un statut d’auto-entrepreneur, ce que j’ai fait en 2024. J'ai profité de ce concours de circonstances et de tous ces signes qui m’ont poussée à créer mon statut après qu’on m'ait accordé une  rupture conventionnelle et à lancer ma propre structure : KIVI - architecture sensorielle. 

 

Justement, qu’est-ce que “l’architecture sensorielle” ou “neuro architecture” ?

C'est l'architecture basée sur les neurosciences et sur la psyché humaine. L’idée est de comprendre comment l’environnement dans lequel on vit influence notre cerveau et donc, nos pensées, nos émotions et nos comportements. L’objectif est que les gens se sentent bien chez eux de manière consciente comme inconsciente. Pour cela, avant même d’entrer dans le projet architectural, je fais participer les clients en essayant de les connaître et en utilisant plusieurs leviers : l’héritage familial, leur perception de l’espace, leur rapport aux matériaux, aux couleurs par exemple, jusqu’à des choses plus symboliques comme la religion, les souvenirs d’enfance… En fait, je n’arrive pas dans un projet en disant : “C’est moi l’architecte, je sais mieux ce qu’il vous faut !” mais, justement, on travaille à l’unisson pour que je réponde à leurs besoins.

 

Même si tu y pensais fortement, as-tu eu peur de te lancer après autant d’années de salariat ?

Financièrement, je me suis posé la question, car on a plus de pression, il faut aller chercher des clients, ce que je ne faisais pas avant. Mais le fait d’avoir obtenu ma rupture conventionnelle, et donc un droit au chômage, en plus des heures de professorat à côté me permet de me lancer plus doucement. Il faut être optimiste et je me dis qu’au pire, c’est une aventure qui durera 2-3 ans et que je n’aurais pas de difficultés à retrouver un poste en agence. Puis, je suis soutenue par mon entourage. Il faut dire que mon mari a monté son entreprise de communication il y a 15 ans, et que mon père et mon frère, en Hongrie, sont tous deux entrepreneurs. Cela m’a beaucoup aidée, même si l’idée de lancer une entreprise d’architecture sensorielle venait de moi.
J’ai aussi gardé des liens professionnels avec mes anciens collègues et une agence d’architecture s’est intéressée à mon projet pour de potentielles collaborations, ce qui m’a donné confiance en moi pour me lancer.

 

Ton installation est toute récente, comment as-tu vécu le volet administratif ?

J’avoue qu’au début, par rapport aux formalités administratives, je me posais beaucoup de questions auxquelles je ne trouvais pas forcément de réponses. Même si je maîtrise le français, ma langue maternelle reste le hongrois et certains mots de vocabulaire me mettaient en difficulté dans ce contexte. Mon mari, qui s’y connaît grâce à son entreprise et ses contacts, m’a beaucoup aidée, et pourtant j’ai bien vu que même pour un français, le vocabulaire administratif n’est pas toujours limpide. Dans ces cas-là, par nature, j’ai tendance à solliciter mon entourage plutôt que de rester bloquée, donc je trouve qu’une aide extérieure est toujours la bienvenue. Et puis il y a plein de subtilités auxquelles on ne pense pas et qui se révèlent longues et fastidieuses : j’ai dû attendre 2-3 semaines pour recevoir un courrier qui me permettait enfin d’utiliser mon espace Urssaf, j’ai passé beaucoup de coups de téléphone pour obtenir certaines réponses, j’ai dû prendre une assurance professionnelle… Tout ça je l’ai découvert sur le tas et tout n’est pas toujours bien expliqué. 

 

Même si c’est récent, dans ton quotidien, quels avantages peux-tu déjà identifier ?

En premier lieu, je constate déjà que j’ai plus de liberté et de flexibilité pour organiser mon emploi du temps et mon rythme de travail. Avant, j'étais constamment devant un ordinateur. Aujourd’hui, si à un moment, j'ai besoin de prendre l’air pour me débloquer ou me remotiver, je peux aller courir, ou m’inspirer autrement que derrière mon écran. Aussi, je ne me déplaçais jamais alors que maintenant, je dois aller dans des endroits différents pour rencontrer de futurs clients, ce que j’apprécie. Ma vie de famille a changé aussi car mes anciens horaires ne me permettaient jamais d’aller conduire ma fille à la crèche ou d’aller la rechercher. C’est mon mari qui s’en occupait, je lui enlève donc un peu de poids sur les épaules. Cette année, j’ai pu être présente pour sa première rentrée des classes et je peux passer plus de temps avec elle, car je m’organise en fonction et ça ne m’empêche même pas de travailler ! Je me sens beaucoup moins pressée par des horaires à respecter, je n’ai plus ce poids de la hiérarchie car je suis seule décisionnaire à présent. Je suis sûre qu’il y aura des hauts et des bas, mais c’est quand même moins stressant comme rythme.

 

Et d’un point de vue personnel, qu’est-ce que ce changement a pu révéler de toi ? 

J’ai retrouvé ma motivation et je pense que j’ai beaucoup plus d’énergie. Je me sens aussi plus épanouie et plus créative. Avant, je n’osais pas vraiment exprimer ma personnalité dans mon travail, j’avais tendance à la mettre de côté. Maintenant que je suis la seule représentante de mon entreprise, je m’exprime et m’ouvre beaucoup plus. Finalement, j’ai plus confiance en moi. On m’a même proposé d’animer une conférence sur la neuro-architecture à l’université : le fait de rencontrer des personnes d’horizons différents avec les cours que je donne et de trouver des échos positifs quand je parle de mon entreprise y participent beaucoup.

 

Au contraire, quelles difficultés as-tu déjà pu identifier ?

Je pense que malgré toute cette liberté, il faut penser à rester rigoureux dans son organisation et ne pas laisser simplement les journées s’écouler. Je me rends compte également que je travaille seule et au quotidien, mes collègues préférés me manquent un peu. Aussi, même si ça ne m’empêchera pas de travailler en soi, j’aurais aimé passer mon HMONP (habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre) avant de m’installer. C’est un diplôme supplémentaire qui permet de signer des plans de plus de 150 m2 en son nom. Pour ces projets, je suis donc dans l’obligation de collaborer avec un cabinet d’architecte. Heureusement, c’est envisageable et j’ai déjà des pistes, mais je regrette un peu de ne pas avoir passé ce diplôme pendant mes années de salariat. En ce qui concerne la gestion de mon entreprise, c’est encore un peu tôt pour identifier d’autres difficultés potentielles. 

 

Même si tu exerces dans un domaine que tu connais bien, est-ce que tu as dû mettre en place des choses qui te sortent de ta zone de confort ?

Oui bien sûr, mais ça me plait ! Organiser mes cours et les devoirs ou préparer une conférence sont de choses nouvelles pour moi. Je dois aussi créer toute une vitrine pour me faire connaître : je suis en train de terminer mon site internet et j’écris seule les textes etc... J’apprends aussi à expliquer ma méthode, à en détailler le processus pour savoir faire les devis. Avant, je ne m’occupais pas de ce genre de choses.  

Je touche aussi forcément à des aspects de mon métier qu’on me confiait moins en agence, comme la gestion et le suivi de chantiers, le lien avec les constructeurs et les fournisseurs, mais c’est quelque chose que j’ai vraiment envie d’apprendre.

 

Et par rapport à cette nouvelle aventure, as-tu une anecdote à partager ?

Oui, il m’est arrivé quelque chose d’incroyable pour moi. Pendant mes vacances cet été, j’ai pu assister à une conférence de Fréderic Lenoir, cet auteur dont je parlais précédemment. C’est vraiment un de ses livres qui m’a donné l’idée de m’intéresser à l'architecture sensorielle. À la fin, j’ai pris mon courage à deux mains pour lui dire à quel point son livre m’avait inspirée, que ça avait fait naître mon projet et que j’adorerais en parler avec lui et pourquoi pas créer un podcast là-dessus. Il a été visiblement touché, nous avons par la suite échangé quelques mails et il semble plutôt intéressé par le podcast. Ça m’a donné encore plus confiance pour avancer, j’ai trouvé ce signe génial !

 

Comment envisages-tu l’avenir ?

Le rêve serait de faire grossir mon entreprise et d’embaucher mes anciens collègues et amis ! De manière plus réaliste, à court terme, ce serait de montrer que ma méthode fonctionne et qu’elle est appréciée. Évidemment, je voudrais avoir plusieurs projets et clients. Dans l’idéal, pas plus de 3-4 en même temps, pour pouvoir vraiment m’y consacrer à fond. 

J’ai aussi repris le lien avec un laboratoire de recherches en psychologie cognitive que j’avais contacté quand je voulais convaincre mon entreprise de s’intéresser à la neuro-architecture. J’aimerais beaucoup participer aux recherches scientifiques officielles ou du moins collaborer, car je crois vraiment en la pluridisciplinarité pour nourrir d’autres domaines.

 

Quels conseils aurais-tu à donner sur l’auto-entrepreneuriat ?

Je pense qu’avant de se lancer, c’est quand même mieux d’avoir une petite idée de ce que l’on va faire. Ne pas juste se lancer dans le vide parce qu'on a fait un bilan de compétences et qu’on ne veut plus faire son métier. On peut toujours se dire qu’on va trouver une idée sur le tas, mais ce sera plus long, je pense.

Je pense aussi, parce que c’est ce que j’ai vécu, qu’on peut toujours trouver des liens entre ce qu’on sait faire et quelque chose qui nous inspire : pour moi, ça a été entre l’architecture et la psychologie, mais je pense que tout est possible et qu’il ne faut pas trop se fermer de portes là-dessus.

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