Espace Auto-Entrepreneur est allé à la rencontre de Charlotte Debaene, graphiste textile, designer produit et accessoirement mère de trois enfants, qui n’a pas hésité à se lancer dans l’aventure auto-entrepreneuriale.
J’ai commencé directement à la fin de mes études de design produit. Mon maître de stage m’a rappelée pour travailler avec lui, mais il fallait que je crée le statut. Il montait un projet, j’ai fait 2-3 missions pour lui et finalement ça n’a jamais vu le jour… Je crois même que je n’ai même jamais été payée !
Malgré ça, j’ai quand même conservé le statut et, au début, j’alternais mes premiers vrais contrats avec un boulot alimentaire chez un traiteur. J’ai continué à développer mon activité pendant trois ans durant lesquels j’ai consolidé mon réseau et mon expertise. Je faisais des cartables pour enfants, des affiches sérigraphiées, de l'aménagement d’intérieur. Ça fonctionnait plutôt bien.
Puis, une mission de 15 jours en indépendante chez Vertbaudet (marque de produits dédiés aux bébés et à l’enfant) s’est transformée en CDI de deux ans.
Non, mais chez Vertbaudet, on m’a proposé de gérer toute la section déco, ce qui m’a permis de découvrir le design textile, ça m’intéressait. En parallèle, nous avions un projet d’achat de maison et d’enfant avec mon conjoint, qui lui aussi créait son entreprise d’architecture patrimoniale. Le CDI était plus rassurant, surtout pour avoir un prêt, et propice à la réalisation de nos envies. Pour autant, je n’ai jamais voulu clôturer mon statut d’auto-entrepreneur que j’ai conservé en parallèle même si je ne l’exploitais plus à ce moment-là. Je l’ai vraiment utilisé quand j’ai quitté mon CDI au bout de 2 ans d’entreprise.
Oui, j’ai même quitté mon CDI juste après mon premier enfant ! L’ambiance en entreprise se dégradait, je sentais que j’étais bridée dans ma créativité et que je n’étais pas faite pour ce rythme-là. Dans le métier que je fais, être créatif de 9:00 à 19:00, c’est compliqué. J’aime travailler en équipe, mais pas comme ça et, finalement, je n’étais pas si bien payée. Ça ne valait pas le prix de ma liberté et ça me pesait.
Donc j’ai tout recommencé depuis le début, en indépendante et, en prime, j'ai vraiment pu profiter au maximum de ma grossesse et de mon bébé comme j’étais beaucoup plus disponible. Niveau organisation, je faisais comme je le sentais : surtout avec un premier enfant, c’est un luxe et c’était beaucoup plus simple. J’étais présente au quotidien et j’ai pu repousser au maximum le moment de la séparation avec la crèche.
L’expérience en entreprise m’a quand même été bénéfique, car j’y ai découvert le graphisme textile. J’ai développé cette compétence en me disant qu’en indépendant, c’était plus porteur que le design produit. J’ai donc créé une collection, fait des salons et beaucoup démarché pour me faire remarquer. À force, j’ai commencé à travailler avec Cyrillus (une marque de vêtement pour enfant) qui a utilisé pas mal de mes créations de motifs, et le magasin Bonton à Paris : une belle consécration. Ça a commencé à fonctionner et je partageais beaucoup avec d’autres indépendants du milieu, surtout sur les salons, ce qui était très enrichissant.
Concernant la vie de famille, finalement, c'est beaucoup plus simple, car je suis flexible. Selon les saisons, j’ai des périodes pendant lesquelles je travaille beaucoup plus que d’autres. Ça me permet de gérer les enfants plus facilement. Je peux me libérer pour les maladies, les conduites, les activités pour les trois et organiser mon temps à ma manière pour profiter d’eux au maximum. Même si j’ai la même charge mentale que toutes les mamans, au moins je peux l’organiser et la répartir plus facilement sur la semaine.
Oui, c’est vrai que la plupart des gens me disent “ Oh là là, ça doit être galère parfois”. Alors c’est vrai, on est seul maître à bord, quand ça marche, et quand ça marche moins. Il faut avoir conscience que rien n’est acquis. On ne peut pas toujours anticiper nos revenus et il y a parfois des périodes creuses, mais on s’en sort. Ça fait déjà 10 ans et je ne regrette pas, même si avec trois enfants, on se pose évidemment plus de questions. C’est le prix à payer de l’indépendance. J’ai aussi toujours été encouragée par mes proches et ça aide beaucoup.
Je pourrais prendre un agent, un intermédiaire qui m’aiderait à développer encore plus mon activité, mais ce qui m'intéresse, c'est plus l’équilibre vie pro et perso que j’y trouve. Avec mon conjoint, on ne cherche pas non plus à gagner de l’argent à tout prix, on veut juste être bien, et que nos enfants nous voient heureux.
Je pense aussi que c’est un état d’esprit, je ne suis pas du genre stressé, ce qui permet de tenir dans les moments plus compliqués.
Bien sûr ! Professionnellement, ça m’a aidé à trouver mon style, à affirmer ma patte graphique et à avoir plus confiance en mon travail. Je me suis rendu compte que j’avais besoin de travailler dans mon cocon pour être créative. Aussi, la grosse différence, c’est la manière dont les clients me considèrent. Quand ils viennent te chercher, c’est qu’ils ont besoin de toi et ça change tout ! J’ai l’impression d’être bien plus écoutée par rapport à avant où, à compétences égales, on est pressurisés et pas forcément reconnus pour ce qu’on sait vraiment faire : je suis sortie de cette logique de créativité liée à des objectifs chiffrés ou managériaux.
Les échanges sont plus riches et on se remet beaucoup plus en question, voire en difficulté, car chaque projet est un nouveau défi et une nouvelle aventure. Parfois, je réponds à des demandes complètement loufoques du genre trouver un design d’éoliennes pour des couches bébés ou intégrer des cerfs-volants (l’animal, pas l’objet !) dans une collection de literie. Ce que je n'ai jamais vu en entreprise et j’adore ça.
Au-delà du rapport privilégié avec les clients, c’est aussi une question de liberté : c’est parfait pour mon tempérament. J’ai d’ailleurs eu récemment une opportunité de salariat, j’ai passé les entretiens pour voir et je me suis rendu compte qu’en fait, j'y allais littéralement la boule au ventre. À la base, je ne suis pas une carriériste et aujourd’hui, je sais que cette bulle de liberté offerte par le statut d’indépendant n’a pas de prix.
Ils m’ont toujours connue dans cette situation alors ça ne les choque pas même si ça ne ressemble pas toujours à la façon de travailler de la plupart des parents de leurs camarades de classe. Le fait d’être à la maison aussi, ça brouille un peu les pistes pour eux. J’essaye de leur apprendre qu’on peut travailler différemment, que ça n’est pas forcément prendre sa voiture ou le métro le matin pour aller à son bureau et revenir le soir. Et surtout, je voudrais qu’ils sachent que c’est important de faire un travail qu’on aime, quelle qu’en soit la manière.
Puis, pour eux, mon métier, c'est de dessiner toute la journée alors, ils voient ça comme un jeu. Ma fille m’a déjà demandé de l’embaucher !
Oui, je pense que si on a un projet et qu’on y croit, c’est trop dommage de ne pas essayer. Quand j’ai passé le concours de mon école après le lycée, lors de l’oral, un des examinateurs avait à moitié rigolé de mon envie de créer un jour une entreprise. J’étais jeune, je n’avais rien encore de concret en tête, mais l’envie d’être indépendante était déjà là. Heureusement que je ne l’ai pas écouté et que je me suis fait confiance. Il y a trop de gens malheureux dans leur travail ou dans la façon dont ils le font. Dans mon cas, j’ajouterais que le fait d’avoir des enfants n’est pas du tout un frein à ce genre de projet, même si chaque situation est différente.
En plus, c’est quand même très simplifié aujourd’hui et surtout ça ne coûte rien : si on gagne zéro, on déclare zéro et puis c’est tout. Il n’y a vraiment rien à perdre !
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Témoignage de Charlotte Debaene “ Gérer des enfants et être auto-entrepreneur, c’est tout à fait possible ! ”
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