L’auto-entrepreneuriat, c’est aussi l’occasion de changer de voie professionnelle et d’envisager une reconversion. Gérante de l’entreprise familiale depuis des années, Lucie Herrengt a pris un virage radical pour devenir agent immobilier. Un pari gagnant et une nouvelle vie qu’elle raconte pour Espace Auto-entrepreneur.
Je dirais plutôt : comment l’auto-entrepreneuriat est-il venu à moi !
À la fin de mes études, j’ai repris l’entreprise de communication de mon père que j’ai gérée pendant plus de 10 ans. J’étais plutôt bien, mais à la fin, je perdais en motivation et j’avais envie d’un nouveau challenge professionnel : je n’avais finalement vu rien d’autre.
J’ai donc fait un bilan de compétences qui n’a pas forcément débouché sur un métier bien précis, mais qui m’a aidé à me poser des questions. J’étais attirée par les métiers de l'immobilier, j’ai donc commencé à me rapprocher des personnes de mon réseau qui travaillaient dans ce milieu. J’ai rencontré le créateur du réseau d’agences immobilières IMKO, qui, vu ma grande motivation, m’a donné ma chance. À ce moment-là, les contrats proposés étaient des contrats d’agents commerciaux indépendants avec un statut d’auto-entrepreneur. Comme j’avais envie d’intégrer cette aventure et une entreprise qui me plaisait, j’ai créé le statut, même si à la base ça n’était pas forcément le plan de départ.
J’ai trouvé ça simple, même s'il y a beaucoup de paperasse, c’est vrai. Ça n’a pas été insurmontable, d’autant plus que oui, j’avais l’habitude de m’occuper de problématiques très administratives dans mon ancienne vie de gérante d’entreprise.
C’est plutôt l’après création qui pour moi est encore flou. Les déclarations Urssaf sont simples, on prend vite le pli. Par contre, tout ce qui concerne la déclaration de TVA, à quel moment la faire, comment gérer les plafonds… je trouve ça très compliqué à comprendre. Il faut être hyper proactif pour chercher beaucoup d’informations, les comprendre, les digérer, ça ne vient pas naturellement.
Justement, même après 3 ans, je ne les ai pas vraiment trouvées !
J’ai d’abord sollicité mes nouveaux collaborateurs qui avaient le même statut et qui m’ont pas mal renseignée. Sur le site de l’Urssaf, on trouve des infos, par contre ça n’est pas toujours clair et c’est très dense. Mon gros sujet, c'est la TVA et jusqu’à quel moment ce statut sera avantageux pour moi. Je suis aussi incapable de confirmer si je cotise pour la retraite ou s'il faut que je prenne une retraite complémentaire. J’ai pris contact avec des comptables, mais même eux, j’ai l’impression qu’ils sont perdus ! De ce fait, tout ça reste flou et j’ai tellement la tête dans mon boulot que je laisse tomber pour le moment… C'est aussi certainement une forme de déni, c’est pas super excitant de penser à ça ! Dans tous les cas, il faudra bien que je me penche sérieusement là-dessus un jour.
Déjà quand j’ai commencé, je suis devenue maman : un gros changement de vie.
Je n'étais pas contre l’idée de rester dans le salariat à la base, par confort certainement, mais après 3 ans d’auto-entrepreneuriat, je me rends bien compte de la souplesse liée à ce statut. Ça me permet d’être autonome dans mon travail, mes horaires, dans le choix de mes dates de vacances, ça me donne la possibilité de travailler d’où je veux et quand je veux.
En plus, combiner le rôle de maman avec ce statut au quotidien, c'est assez compatible, car on est beaucoup plus flexible qu’un salarié en entreprise. Même si je travaille beaucoup, je peux par exemple aller faire du sport dès que j’en ai la possibilité, choisir d’aller chercher mon fils à 16:30 à l’école, de passer du temps avec lui et pourquoi pas de remettre au travail quand il est couché. La gestion du quotidien est moins stressante je pense.
Avant, j’étais quand même assez indépendante, ça, ça n’a pas vraiment changé. En revanche, ce qui a changé bizarrement, c'est qu’aujourd’hui, j'ai des collègues. J’ai la chance de travailler dans un réseau d’agences physiques, donc je ne me suis jamais livrée à moi-même. Ma manière de vivre l’auto-entrepreneuriat reflète peut-être moins celle de l’auto-entrepreneur “classique” qui est souvent seul. Moi je suis quand même très entourée, même si je peux travailler seule ou m’isoler quand je veux. Je pense que ça fait une grosse différence et c’était toute l’idée de ma reconversion. Je travaillais avec mon père, quand il a pris sa retraite et a déménagé dans le sud de la France, j’étais toute seule et ça me pesait. À part les clients au téléphone, je ne parlais pas à grand monde. Donc, à la base, je ne me serais pas forcément tournée vers ce statut qui pour moi signifiait plutôt “solitude”. J’avais ce souhait d’avoir une équipe et des locaux pour ne pas rester seule chez moi : j’ai trouvé ça chez IMKO mais je ne l’aurais pas forcément trouvé dans un autre réseau d’agences où les mandataires indépendants sont plutôt livrés à eux-mêmes chez eux. Moralité, on peut avoir des collègues et être auto-entrepreneur !
Évidemment, ça m’a fait peur, car c’était aussi un changement complet d’activité.
Ma première crainte était financière, je devais me refaire un réseau dans un secteur que je découvrais. Puis l’immobilier, c'est fluctuant, surtout après le Covid. On est payé avec des délais d’au moins 3 mois, il faut savoir gérer sa trésorerie. Quand on peut combiner le statut avec les indemnités de chômage, du moins au début, ça peut aider à rassurer.
Ensuite, après avoir travaillé aussi longtemps dans la même entreprise, changer de statut et d’organisation, ça m’a un peu effrayée au début. D’autant plus avec un enfant à charge et l’achat d’une maison à assumer. Aussi, mon conjoint est intermittent du spectacle, et même s'il travaille bien, on est quand même deux parents avec un statut professionnel particulier. On parlait de paperasse tout à l’heure, chez nous, la déclaration d’impôt, c’est du sport ! Tout ça, sur le papier, ça peut faire peur et forcément, c'est moins rassurant pour se projeter à quelques années, car on n’a pas la main sur nos ressources à venir.
C’est peut-être un pari pas facile tous les jours, mais je suis hyper épanouie dans mon métier et ce statut me va très bien aujourd’hui. Il me permet de profiter de ma famille, d’avoir du temps pour moi tout en m’investissant à fond dans ce nouveau job que j’adore. Je suis contente d’avoir fait ce choix-là.
Ça s’est fait un peu par hasard : il y a 4-5 ans, j’ai vendu mon appartement seule, sans agence et j’ai adoré m’occuper de ça, les photos, les visites… Alors j’ai commencé à me demander s'il n’y avait pas un truc à creuser. Puis ça correspondait à ce que je recherchais à ce moment-là de ma carrière : de la nouveauté, des rencontres avec des gens différents de mes anciens clients entreprise tout en gardant un côté relationnel fort à développer en participant à des projets de vie.
Dans le cadre de ma reconversion, j’ai participé à plusieurs heures de formations obligatoires quand on veut devenir agent commercial indépendant. J’ai aussi pu suivre mes nouveaux collaborateurs dans leur journée, participer notamment à des estimations ou des visites. Au-delà de l’aspect immobilier pur, il y a beaucoup de notions juridiques de bases à connaître, d’où les formations. Et aujourd’hui, je continue à apprendre beaucoup sur le terrain, car, l’immobilier, ça reste du cas par cas. J'avais des difficultés et des appréhensions au début sur tout ce qui concerne les ventes en grosses copropriétés où c’est quand même particulier avec les syndics, etc. Il m’a fallu également prendre en main les logiciels qu’on utilise pour faire des estimations, rédiger des compromis de vente, gérer les biens. Mais pour ça j’ai été très accompagnée par un directeur d’agence bienveillant à qui je n’hésite pas à dire quand je ne sais pas où à poser des questions.
La relation client, très importante dans ce métier, ne m’a pas posée de problème, j’ai pu transposer les compétences que j’avais dans mon ancien métier sauf qu’avant je parlais à des professionnels et maintenant je parle à des particuliers. La différence est plus dans la gestion des émotions de mes clients : acheter une maison c’est souvent un projet de vie, il faut créer de la confiance, s’adapter à des gens différents, de tous milieux, aux exigences particulières.
Concernant mes émotions à moi, j’ai appris à être patiente, c’est fondamental. Il y a beaucoup d’ascenseurs émotionnels que je ne vivais pas avant : entre la première visite, la vente potentielle et la vente effective, il peut se passer beaucoup de choses !
J’ai aussi appris à nouer des liens de confiance avec des corps de métiers différents que je ne connaissais pas, comme des notaires, des artisans, des diagnostiqueurs de performance énergétique qui m’accompagnent et répondent à toutes mes questions.
Plus personnellement encore, j’ai accepté d’être plus disponible qu’avant : je reçois des appels tard dans la soirée et les gens qui visitent les biens sont disponibles le soir et le week-end ; alors en période de grosse activité, il faut s’avoir s’organiser, être flexible et ne pas se laisser engloutir par le flot d’appels pour se laisser des moments en famille.
J’ai quand même la volonté de passer à quelque chose de plus “stable”. On m'a proposé de redevenir salariée, je pèse le pour et le contre. D’un côté, le salariat, ce sont des avantages financiers et sociaux certains, même quand on est gérant salarié. Ceci dit, j’ai refusé, car pour l’instant, je ne suis pas prête à avoir ces avantages en contrepartie de moins de souplesse et des avantages que ça m’apporte dans mon quotidien et mon organisation de travail. Cette liberté, j’y tiens trop !
Mais quand même, je pense que ce statut n’est pas fait pour toute une carrière, seulement pour les premières années. Quand le chiffre d'affaires devient plus lisse et stable sur l’année, c’est peut-être plus avantageux de basculer sur un autre statut. J'essaye de me faire conseiller par un comptable sur ce sujet, toute seule, c'est trop compliqué de comprendre toutes ces subtilités.
Ce statut est parfait pour faciliter une envie de changer, d’entreprendre et d’avoir une nouvelle aventure professionnelle. Je le recommande, car c’est quand même une vraie chance. Et finalement, que ce soit la création comme l’interruption, les démarches sont faites rapidement et facilement. On ne perd pas d’argent et on ne doit pas en apporter : c’est juste un peu de papiers et de temps. Puis si ça ne marche pas, il ne faut pas le voir comme un échec, mais comme un test.
À un autre niveau, même si moi, je ne le vis pas comme ça, je pense qu’il faut quand même avoir conscience qu’on s’expose généralement à plus de solitude qu’en entreprise. Mais il y a des moyens de palier ça : les coworkings, les réseaux d’auto-entrepreneurs existent et il ne faut pas hésiter à se regrouper !
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Lucie Herrengt “Aujourd’hui, je suis hyper épanouie dans mon nouveau métier et je suis contente d’avoir fait ce choix ! ”
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