Après 14 ans dans l’éducation nationale, Nina décide de revenir à sa passion première : le sport. La préparation mentale apparaît donc comme une évidence : accompagner les sportifs, mais aussi les artistes, pour atteindre leurs objectifs. Cette sportive passionnée et enthousiaste raconte son histoire de création d’entreprise pour Espace Auto-entrepreneur. Entre parcours du combattant et dépassement de soi : une reconversion professionnelle sportive à tous les niveaux.
J’accompagne des athlètes ou des artistes en suivi collectif ou individuel à travers la structure Mental Wave que j’ai créée. Par différentes méthodes et outils (la respiration, les cartes mentales, le dépassement des croyances limitantes…), je les aide à gérer leurs émotions, leur stress, pour garder la motivation, et les aider à atteindre leurs objectifs de performance tout en maintenant le plaisir de pratiquer. C’est un suivi au long cours en complément des entraînements, pour préparer une saison sportive, une compétition, une sélection ou encore un show, une tournée ou gérer une carrière. Je travaille avec des jeunes en devenir qui souhaitent intégrer les centres formation, comme avec des sportifs de haut niveau, avec des clubs ou d’autres structures.
Effectivement, avant de devenir préparatrice mentale, j’ai travaillé 7 ans dans le secteur bancaire que j’ai rejoint juste après mes études en alternance, comme conseillère pour les particuliers, car on m’a rapidement proposé un CDI. J’ai démissionné quand j’ai eu le concours d’institutrice. Je suis donc entré dans l’éducation nationale en tant que professeur des écoles avec le statut de fonctionnaire. J’ai eu des classes du CP au CM2 pendant 14 ans.
D’abord, je suis passionnée par le sport depuis toujours, j’ai d’ailleurs 17 ans de handball derrière moi. C’est quelque chose que j’avais mis de côté dans mes études, car les études en STAPS n’étaient pas très valorisées à mon époque et n’offraient pas tellement de débouchés. J’ai toujours gardé cette envie de travailler dans le sport, mais paradoxalement, alors que je suis entrée dans l’enseignement, devenir professeur de sport ne m’excitait pas plus que ça. Peu avant le Covid, je commençais déjà à me sentir enfermée dans la rigidité de l’éducation nationale : toujours les mêmes horaires, les mêmes classes, les mêmes conversations tous les matins à la machine à café, le même décompte de jours avant les vacances scolaires… Après 14 ans j’étais sans doute usée, je sentais qu’il fallait changer quelque chose avant de faire partie des enseignants aigris. J’ai aussi une grande passion pour le Brésil et les voyages en général, et j’étais constamment contrainte par le rythme scolaire, ce qui commençait à me frustrer. À l’époque, mon ex-compagnon, professeur de tennis, écoutait beaucoup de podcasts de préparation mentale. Après s’être renseigné un peu, il m’a dit : “Mais en fait Nina, ce métier est fait pour toi ! “. En y réfléchissant, j’y ai trouvé tout ce que j’aimais : la partie sportive et dépassement de soi qui fait partie de ma vie depuis toute petite, et la partie pédagogie, transmission et adaptation du discours que j’utilise en séance pour les athlètes.
Quand j’ai découvert le métier de préparateur mental dans le sport, ça a été une révélation. Ensuite, je me suis lancé dans un DU à l’université de Lille pendant environ 9 mois. J’ai choisi celui-là, car c’est le seul dans ce domaine qui est reconnu au RNCP (répertoire national des certifications professionnelles). La sélection est dure, il y a plus de 100 dossiers pour 27 retenus, et dès le premier jour de formation, je savais que j’étais à ma place. J’avais découvert ma mission de vie : être dans l’entraide et la transmission. Il n’y avait pratiquement que des personnes en reconversion et une grande mixité de profils intéressants : des kinésithérapeutes, des orthophonistes, d’anciens sportifs de haut niveau... Je me suis installée à mon compte peu de temps après avoir eu mon diplôme, en 2022.
Ça a été une décision difficile et un long cheminement intérieur, car autour de moi la réaction des gens était peu encourageante : “ Mais tu es folle, de quoi tu vas vivre ?!”. La vérité, c'est que si le métier de professeur est quand même un gros challenge quotidien, c’est très routinier. Au bout de 14 ans, je n’arrivais plus à prendre de recul sur ce qui me plaisait ou ce qui ne me plaisait plus. Je croisais des personnes qui passaient leur temps à se plaindre et restaient justement pour la sécurité du salaire. À presque 40 ans, je me suis dit que je ne pouvais pas rester juste pour cela et subir mon quotidien. Ce qui a été le plus compliqué, en somme, c’est de quitter l’éducation nationale : j’ai multiplié les demandes de mise en disponibilité (qui était la seule façon de pouvoir obtenir l’AACRE dans mon cas), on m’a refusé l’utilisation de mon CPF pour reprendre des études, j’ai même dû me pacser pour obtenir un rapprochement de conjoint… j’ai essuyé plusieurs refus avant d’y arriver, et ça a été extrêmement lourd. La France n’encourage pas du tout à quitter le fonctionnariat, c’est très compliqué dans le cadre d’une création d’entreprise. Après 14 ans de bons et loyaux services et seulement 14 jours d’arrêts, ne pas être plus aidée dans ma reconversion m’a laissé un goût amer.
La création d’entreprise et tant que telle s’est passé sans difficultés. Mais je me suis vite rendu compte qu’il me manquait la casquette “chef d’entreprise” à laquelle je n’avais pas été formée à la fac. J’ai été contacté par un coach qui proposait justement une formation business pour se lancer. J’ai décidé de me faire accompagner et j’ai suivi cette formation qui m’a appris énormément car, quand on se lance, on a son cœur de métier, mais toute la partie business, c'est-à-dire aller chercher les clients, se “vendre”, savoir valoriser son travail, en évaluer le prix, n’est pas innée. On peut avoir vite l’impression d’être un marchand de tapis ! Parler d’argent, c'est compliqué culturellement, surtout sur un métier qui n’est pas très connu. Cette formation m’a aidé à gérer ces difficultés, mais aussi celles liées à l’organisation : savoir où mettre son énergie face à toutes les sollicitations de moyens de communications, ne pas se culpabiliser d’avoir des horaires différents ou de ne pas travailler dès 8h00 le matin comme avant. Finalement, ça m’aide à déconstruire tout mon rapport au travail et à la façon de le faire. Ça m’a permis de rencontrer beaucoup de personnes dans mon cas et dans mon secteur, pour échanger des conseils, se soutenir et ne pas se sentir seul dans le lancement de son entreprise.
Une grande liberté dans mon travail : je peux travailler du Brésil en visio, chez moi, dans les clubs ou à une terrasse de café avec mes clients…. La dernière fois, j’ai demandé à une athlète si elle préférait qu’on se voie à la salle de sport ou au bord de la mer. Elle m’a répondu “Au bord de la mer” et on a fait notre séance en profitant de l’air marin. C’est super, car en préparation mentale, le choix de l’endroit où faire sa séance est important. Je respecte aussi beaucoup plus le rythme de mon corps. Aujourd’hui, je ne me lève plus à 6 h 30 pour me dépêcher et arriver à 8 h 00 pile en classe, mais je fais ma routine de yoga tous les matins, je prends le temps de lire 10 minutes pour me vider la tête. J’ai compris que je n’étais pas productive avant 10h et plus le soir, alors j’organise mon agenda en fonction de ces moments quand c’est possible, et si je dois faire autre chose de 14h à 15h, je le fais sans culpabiliser. J’ai accepté, aussi grâce à la formation business, que lire, passer un peu de temps sur LinkedIn, écouter des podcasts, se tenir au courant des actualités faisaient aussi partie de mon travail alors que je considérais ça comme des loisirs ou du temps “non productif”. Quand on est entrepreneur, il faut totalement déconstruire cette vision du travail que l'on a eue, que ce soit en termes d'horaire ou en termes de lieu géographique.
Une de mes difficultés pour moi a été de déconstruire mon rapport au travail. Finalement, on est assez formatés en France. Ensuite, c’est mon rapport à l’argent. Alors que je n’ai pas de problème à en parler, j’étais bloquée par le fait de donner une valeur à mon travail et de le facturer. Ça m’a complètement fait sortir de ma zone de confort, je n’étais pas du tout habituée à travailler comme ça. Mais justement, comme je le disais, j’ai pallié tout ça avec la formation complémentaire que j’ai suivie. Ça m’a aussi permis de rencontrer beaucoup de personnes dans mon cas et dans mon secteur, pour échanger des conseils sur des séances de préparation mentale, se soutenir quand on doute et ne pas se sentir seul dans le lancement de son entreprise.
Oui. J’ai beaucoup voyagé et rencontré des personnes de nationalités différentes. Je me souviens notamment du rapport au travail des israéliens ou des brésiliens par exemple. Ce sont les premiers avec qui j’ai compris qu’on avait une peur panique de quitter son travail en France. Le fait de quitter ou changer de travail pour voyager et d’en trouver un autre en rentrant n’est pas du tout une angoisse pour eux, c’est normal. Il y a donc quelque chose de culturel selon moi, d’autant plus avec le statut de fonctionnaire.
Je me suis rendu compte que finalement, je savais parler des deux choses les plus importantes et les plus délicates pour les gens : leurs enfants et leur argent. Le fait d’avoir été professeur m’aide plus que d’autres à m’adapter aux jeunes athlètes ou artistes : je suis d’ailleurs un petit golfeur de 14 ans qui le soir dit à sa mère : “ Bon, je vais faire les devoirs de l'école et les devoirs de Nina”. Ça rassure les parents et je sais comment adapter un discours. De plus, à force d’avoir tenu des classes de maternelles jusqu'au CM2 pendant 14 ans, je sais faire du théâtre ! Ça aide quand on se retrouve devant une grosse équipe de handball de D1 avec 15 femmes, dont 3 internationales, qui ont de gros caractères, chacune leur individualité et qu’il faut les intéresser à la préparation mentale. Par rapport à l’argent, ce qui m’aide, c'est plutôt le rapport décomplexé que j’ai à en parler, du fait de mon expérience bancaire.
Ça m’a montré que j’avais beaucoup de courage ! Quitter l’éducation nationale et son confort, il fallait le faire, d’autant plus que tout le monde me l’a plus ou moins déconseillé. Ensuite, au début, je ne me sentais pas légitime par rapport à certaines personnes du métier, doctorants, thésards ou spécialistes depuis des années. J’ai su prendre confiance en moi et me rendre compte que j’avais d’autres qualités à offrir.
Pour l’instant, c’est un bon test de mon activité. C’est pratique au niveau des charges qui restent liées au chiffre d'affaires et ça reste facile d’un point de vue gestion. Ça me permet aussi d’éprouver mes séances, d’étudier la régularité de mes clients, de bien m’installer dans la profession. Mais je souhaite à terme faire évoluer mon statut en entreprise individuelle ou en société, même si l’objectif n’est pas forcément de créer une grosse structure avec plusieurs préparateurs mentaux sous la bannière “Mental Wave”.
Le fait de ne pas pouvoir déduire mes charges va finir par me limiter. J’habite Nice, j’accompagne une boxeuse à Lyon, un joueur de poker à Paris, je me déplace beaucoup. Entre les hôtels, les repas, les trains, ça fait beaucoup de charges que je ne peux pas valoriser puisque je paie des impôts dessus.
Ce qui est marrant, c’est qu’étant donné le mystère autour de ce métier, certains pensent que je suis un genre de mentaliste et que je vais rentrer dans leur tête. Alors que pas du tout : je ne vais pas faire un spectacle de magie ! Je viens de faire floquer des tee-shirts à mon prénom et “préparatrice mentale”, et je suis très fière que les athlètes viennent me voir pour me demander : “Mais qu’est-ce que c’est ?”, et de leur expliquer. Je donne beaucoup de moi à ceux avec qui je travaille, si bien qu’aujourd’hui par exemple, le joueur de poker que j’accompagne me dit “C’est l'effet Nina ! “ quand il gagne un tournoi !. Ça me fait rire et me rend fière.
D’abord de faire une formation conséquente : on ne devient pas préparateur mental en 60h comme certains le prétendent sur les réseaux. C’est sérieux et il ne faut pas commencer à jouer avec ce que les gens ont dans la tête. Il ne faut pas non plus hésiter à être accompagné sur tout l’aspect démarchage, business etc. Car ça fait partie du métier, ça n’est pas l’aspect le plus facile. Il faut beaucoup de force pour devenir entrepreneur alors autant accepter l’aide qu’on peut prendre. Je pense aussi qu’il faut y aller pleinement et que c’est normal d’avoir peur, d’autant plus que la plupart du temps, les réactions des gens ne sont pas rassurantes quand on veut tout changer ! J’ajouterai l’importance de se créer un réseau pour échanger, pour ma part, ça aide beaucoup.
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Nina Thisse - Péparatrice mentale, “Quand on se lance, il faut déconstruire l’ancienne vision du travail”
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