Conceptrice-rédactrice dans la publicité, Sophie Steinmetz a déjà une grande expérience derrière elle. Indépendante dans l’âme, elle y était comme un poisson dans l’eau. Après 6 ans d’auto-entreprise et suite à des changements de vie, elle a récemment décidé de retourner en salariat. Deux expériences différentes dont elle nous raconte, sans détours, les avantages et les inconvénients.
J’ai commencé par mon stage de fin d’étude, en tant que chef de projet dans une agence de publicité. C’était à ce métier que je me destinais, mais en réalité, j'étais super nulle ! Un mal pour un bien, car j’ai pu découvrir la conception-rédaction qui m’a plu et pour laquelle j’étais plus douée. J’ai demandé à changer et j’ai fini par intégrer le pôle rédaction.
Ensuite, j'ai enchaîné sur un CDD de quelques mois, puis j’ai décroché un CDI dans une grande agence parisienne, toujours en tant que conceptrice-rédactrice. J’y suis restée pendant 4 ans, avant de continuer en freelance, en créant mon auto-entreprise. C’était en 2015 et finalement, c’est mon plus long contrat. Même si celui-là était avec moi-même !
Je travaillais dans une agence de publicité connue, réputée, donc très exigeante. Au bout de 4 ans, j’avais cependant l’impression d’avoir fait le tour. C’était une entreprise aussi très “politique”, avec un côté “grosse machine” usant à la longue. Je perdais en motivation, je n’avais plus envie de séduire avec mes idées, ce qui est tout de même problématique dans ce métier. J’ai voulu me libérer de tout ça et j’ai profité d’un changement de direction de création pour demander ma rupture conventionnelle : c’était le bon moment.
Concernant le choix du statut d’auto-entrepreneur, ma copine étant Directrice artistique indépendante (freelance), je connaissais un peu le statut. Et puis, dans une version idéalisée des choses, ça m’avait toujours fait un peu rêver : plus de liberté, plus d’argent, plus d’indépendance, la possibilité de sélectionner ses clients et de travailler sur ce qui nous plaît… Pour moi, de ce côté-là, c’était parfait ! D’un point de vue pratique aussi, c’était le statut le plus simple, le plus souple, et ça me permettait de me tester en tant qu’indépendante, sans engagement financier puisqu’on ne paye que lorsque l’on facture.
Il était donc assez évident pour moi de choisir cette option.
Grâce à mon réseau, j’ai eu du travail tout de suite. Quand c’est comme ça, c'est génial ! Je retrouvais aussi en motivation, ce que j’avais perdu dans le salariat. Pouvoir organiser ses horaires et son travail à sa manière, c’est un luxe. Ce qui a changé également, ce sont toutes les tâches annexes qu’on n'aborde pas en CDI, comme la recherche de clients par exemple. On ne s’en rend pas compte parce qu'en CDI, le boulot, on nous le donne. En freelance, il faut aller le chercher. La comptabilité, la gestion administrative, ça aussi, c'était nouveau. J’avais beaucoup plus de responsabilités, mais aussi les avantages et les inconvénients qui vont avec.
La création du statut, j’ai trouvé ça très simple. Ça a été rapide et efficace. Par contre, en termes de gestion, j’ai eu pas mal de difficultés. Je ne suis pas quelqu’un de très organisée à la base, c’est peut-être pour ça. Toujours est-il qu’assez rapidement, dès la première année, j’ai dépassé le plafond de revenus (32 900€ à l’époque), et j'ai dû prendre une comptable pour optimiser mes revenus et gérer toutes les histoires de TVA. Là, ma comptable s’est rendu compte que j’avais fait quelques erreurs, dont je n’avais pas conscience, mais qui ont eu des conséquences ennuyeuses dont la régularisation a été chronophage : j’avais deux numéros Siret par exemple. J’ai perdu beaucoup de temps à envoyer des mails avec des copier-coller de ce que m’indiquait ma comptable avant que ça ne soit enfin pris en compte et régularisé. Le rapport avec les administrations compétentes était poussif pour obtenir une réponse ou une explication. L’aide de ma comptable m’a bien servie. C’est sûr que dans ces moments-là, tu as tendance à regretter le statut “assisté” du CDI !
Oui bien sûr ! Au début, dès que je n’avais pas de travail pendant une semaine, je me remettais beaucoup en question. Je me demandais si j’étais assez bonne dans mon travail. On peut vite perdre confiance en soi dans ces moments de creux. C’était un peu les montagnes russes. Même si parfois le travail en entreprise peut être compliqué, travailler seul non plus n’est pas facile. Il faut être assez solide pour assumer ses idées quand on les présente à des clients. Et même pour trouver des idées seul, car on perd le côté rassurant du ping-pong avec les collègues : les échanges qui font avancer et qui aident aussi dans la recherche d’idées.
Dans mon cas, ma conjointe étant aussi indépendante, on a eu l’occasion de travailler ensemble et, comme c’est une super directrice artistique, on se soutenait mutuellement dans les moments de doute. Ça m’a permis de prendre du recul et de me rendre compte que je n’étais pas seule à douter parfois.
Oui, il y a aussi beaucoup de côtés positifs ! Ça m’a obligée à sortir de mes chaussons : apprendre à vendre ses idées seule, aller chez le client, les présenter, s’adapter à d’autres fonctionnements et d’autres collègues quand j’avais des missions de quelques jours en agences… On apprend beaucoup sur soi-même parce qu'à chaque fois, on est remis en question. Mais globalement, j’étais très heureuse pendant toute ma période d’auto-entrepreneuriat.
En fait, c'est pas mal lié au Covid tout ça. Il y a eu un vrai basculement.
Déjà, dès le lendemain de l’annonce du Président, tous mes clients m’ont appelé pour arrêter immédiatement les travaux que j’avais en cours. C’était violent, je n’ai plus travaillé de mi-mars à mi-août, et j’étais dans une incertitude totale.
Avant le Covid, je passais finalement beaucoup de temps dans des agences différentes, au gré de mes missions. On habitait Paris, il y avait beaucoup à faire et à la limite, j’étais contente de passer 2 jours chez moi. Après le Covid, tout a changé, je suis passée à 100% en télétravail. C’était pesant. Puis, comme beaucoup de Parisiens, on a décidé de déménager en province, à Lille. J’ai conservé des clients, mais quand même un peu moins, le climat de crise ne s’arrangeait pas trop. Au bout d’un moment, j’en ai eu marre, je stagnais, j’ai eu envie aussi de rencontrer des lillois. J’ai eu l’opportunité de saisir un CDI chez un de mes clients, je me suis dit “vas-y” !
Au début, c'était à la fois dur et bizarre de se remettre dans un rythme cadré. Par exemple, si j’avais terminé mon travail à 16h, je rentrais chez moi, pour moi, c'était normal. Sauf que tout le monde partait à 18-19 h… je trouvais ça absurde. En fait, le temps de création étant plus long en agence qu’en indépendant, on peut prendre un peu plus son temps… Ce que je n’avais plus l’habitude de faire, car souvent, on appelle les freelances parce que justement, il faut produire vite car on n’a plus le temps.
Par contre, je me sentais super motivée par rapport aux autres, peut-être un peu usés par la machine, comme je le disais. Au début, j’ai même eu du mal à intégrer qu’il fallait poser ses congés et ses RTT par exemple ! Je ne serais pas contre me remettre en freelance un jour, j’ai d’ailleurs conservé mon statut, et de bons rapports avec mes anciens clients. Mais, pour l’instant, c'est une parenthèse qui me convient bien, compte tenu de notre arrivée récente dans une nouvelle ville.
De prendre un comptable !
Blague à part, je le conseillerais, car c’est une super aventure. En revanche, il ne faut pas y aller avec la fleur au fusil. Il y a un côté idéalisé de ce statut. En entreprise par exemple, on entend beaucoup de gens dire “j’en ai marre, puisque c’est comme ça, je pose ma démission et je me mets en free”, comme un pied de nez au système qui les écrase peut-être. Mais il faut y aller, ce n'est pas aussi simple que ça de faire sa comptabilité, de gérer l’administratif, d’aller chercher des clients ! C’est un peu plus compliqué, même si je trouve ça plus intéressant et enrichissant. Il faut donc l’avoir en tête pour ne pas être déçu.
Ensuite, je conseillerai d’avoir un peu d’expérience et de réseau avant de se lancer, c’est forcément plus simple.
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Sophie Steinmetz, conceptrice-rédactrice dans la publicité “En CDI, le boulot, on nous le donne. Indépendant, il faut aller le chercher”
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