Clara Woillez est une jeune diplômée en français langue étrangère. À 26 ans, elle commence sa carrière dans un secteur où l’auto-entreprise domine auprès des employeurs. Avantages, inconvénients, facilités… Elle raconte son parcours pour Espace Auto-entrepreneur, entre choix à faire et réflexions sur le statut d’auto-entrepreneur et son avenir dans un secteur aussi varié que concurrentiel.
J’ai commencé par une licence de français en Sciences du langage, puis j’ai interrompu mes études pour partir en Suède. J’y suis restée deux ans. Là-bas, j’ai entamé une première année de diplôme universitaire en français langue étrangère (FLE), à distance. À la suite de cette première année, j’ai été embauchée en tant que professeure. Ça a été ma première expérience en auto-entreprise.
Ensuite, j’ai vite compris qu’il fallait que j’obtienne un master pour pouvoir prétendre à des postes plus importants dans les milieux salariés et à une rémunération plus intéressante. De ce fait, après deux ans en Suède, j’ai décidé de reprendre mes études en France, en formation continue. Je viens d’être diplômée en FLE, un master qui m’a beaucoup plu.
C’est très varié. Il y a l’enseignement aux étrangers qui vivent en France. Dans ce cadre, j'ai travaillé avec des migrants, des personnes de nombreuses nationalités, ou des personnes qui sont là depuis plusieurs années et qui ont besoin d’améliorer leur français. Il y a aussi le cas d’étrangers qui veulent apprendre le français dans leur pays, dans une pratique plus récréative. Il existe également ce qu’on appelle le français sur “objectif spécifique”. Cela permet de se concentrer sur un français “utile” à un secteur précis. Je me suis spécialisée en français du tourisme (pour les guides conférenciers par exemple), mais avec ma formation, je m’adapte à tous les secteurs : le français de l’hôtellerie, du médical, du droit, des affaires… En tant que professeur FLE, on peut aussi créer des programmes de formations en langue sur un secteur professionnel. Par exemple, j’ai travaillé avec des musiciens étrangers qui intégraient l’ONL (Orchestre National de Lille). J’ai conçu avec eux un guide de formation spécifique à leurs besoins en tant que musiciens étrangers venant jouer dans un orchestre français ! Le champ d’action est très vaste, c’est ce qui me plait.
En Suède, comme en France, dans ce milieu, beaucoup d’organismes privés embauchent les professeurs en auto-entreprise. Quand je suis rentrée en France, après un stage de master, on m’a proposé de faire partie de l’équipe de professeurs. Le recrutement ne se faisait qu’en auto-entreprise. Je me suis dit que c’était une bonne idée pour me permettre de commencer à travailler en parallèle de mes études, de faire des remplacements par exemple. J’ai ouvert mon statut en France, en mars 2023.
C’était très simple : je suis passée par un organisme privé qui faisait littéralement le travail administratif pour moi en échange de 6% de mes revenus, ce que je trouvais correct. Je n’avais donc aucune charge mentale par rapport à ça. De l’ouverture à la facturation, ils s’occupaient de tout : je n’avais qu’à envoyer mes factures. Ça me convenait parfaitement.
En France, comme j’étais en études en formation continue, je bénéficiais de l’ARE avec Pôle Emploi. J’étais donc en lien avec Pôle Emploi et un conseiller m’a accompagné dans toutes mes démarches de création. Ça n’a pas été compliqué. Ce qui me pose le plus de difficultés par contre, c’est la gestion, dans laquelle je n’ai aucun accompagnement. Au début, j’ai cherché à reprendre un organisme qui gère tout l’administratif comme je l’avais fait en Suède, mais on m’a clairement déconseillé de le faire, car les charges sont plus lourdes. Comme je ne travaillais que de manière ponctuelle à côté de mon master et que j’avais des petits revenus, ça ne valait pas le coup.
Comme beaucoup de gens je pense, je n’aime pas du tout ce qui touche à l’administratif. J’avançais toujours un peu à tâtons, dans l’inconnu. La dernière fois, j’ai dû remplir un papier lié à l’auto-entreprise, j’ai regardé des vidéos pour m’aider, tout en ayant peur de faire une bêtise ou d’oublier une case à cocher. C’est parfois compliqué et c’est quelque chose qui me stresse. Entre pôle emploi et l’auto-entreprise, il y a beaucoup d’acronymes qui coexistent et qui ne rendent pas les choses fluides et faciles. Une fois qu’on a créé son auto-entreprise, il est compliqué d’avoir quelqu'un au téléphone qui réponde à une question simple, même pour un court échange. Je trouverai ça très cohérent de payer quelqu’un qui superviserait mon dossier avec une poule d’autres auto-entrepreneurs.
Le fait est que les organismes ou les associations font généralement travailler les professeurs FLE sur des missions ponctuelles et selon les disponibilités de chacun. L’embauche en salariat représente trop de charges pour eux, l’auto-entreprise reste donc une solution plus avantageuse.
De plus, dans ce milieu, on travaille selon des tarifs horaires fixés au préalable. Il est rare que nous puissions nous-mêmes décider de ce que l’on veut facturer. Ces tarifs horaires prennent en compte les heures de cours sans la préparation, qui représente beaucoup de temps de travail. Par exemple, en tant que débutant, on tourne autour de 25€/h, sur laquelle on doit déduire nos impôts. Je pense que c’est un désavantage pour nous, contrairement à d’autres métiers. J’ai beaucoup échangé avec des collègues dans le même cas et c’est une question de point de vue : ça convient à certains qui arrivent à bien travailler, car ils ont un gros réseau d’entreprises à côté. D’autres, surtout les débutants, ont plus de difficultés ou cumulent énormément d’heures. Je pense qu’il faut avoir en tête qu’être en auto-entreprise et ne dépendre que de quelques organismes qui vous appellent parfois du jour au lendemain et de manière ponctuelle, sans obligation d’embauche, à un côté précarisant, financièrement comme en termes de gestion du temps.
Pour le moment je débute, mais avec un réseau plus développé de clients réguliers, c’est la possibilité de plus de variétés de projets et d’un certain sentiment de liberté. Avantages qui peuvent, a contrario, devenir une source de stress. Étant tout juste diplômée, je n’ai pas vraiment pu profiter de ces avantages, je suis encore en phase d’apprentissage. Si je conserve le statut, je pense qu’il me faudra d’abord développer mon réseau grâce à de l’emploi salarié, pour ensuite tourner le statut à mon avantage. En attendant, cela m’aura permis de travailler à côté de mes études.
Même si le statut est très bien pour débuter, je suis un peu obligée de jouer le jeu parce que le système, dans ce secteur, fonctionne comme ça. Ceci dit, je pense que je préfèrerai travailler en tant que salariée. Aller chercher ses clients, développer son réseau, la quête perpétuelle de la mission… C’est difficile et contient beaucoup de charge mentale. Même si faire du tutorat ou des cours particuliers grâce à mon statut d’auto-entrepreneur me conviendrait. Je préfère l’encadrement du salariat même si l’auto-entreprise est une bonne expérience.
Dans ma branche, l'ouverture de l'auto-entreprise est nécessaire parce que ça permet d'être embauchée par une grande variété d'employeurs. Je conseillerais en plus de discuter avec des personnes qui ont de l’expérience sur ce statut, et à qui ça convient, pour en comprendre les avantages et les inconvénients. Et même si on cherche plutôt du salariat, je pense qu’il vaut mieux anticiper et avoir son statut sous la main, de toute façon l’ouverture n’engage pas de frais. Ça permet dans tous les cas d’être prêt à travailler.
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Clara Woillez, Professeure de Français Langue Étrangère “C’était une bonne idée pour me permettre de commencer à travailler en parallèle de mes études”
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